On a beaucoup entendu parler de bio-carburants l’année dernière avec l’inflation du prix du pétrole et celles des matières premières. Ce qui devait être la solution alternative à l’énergie fossile – qui, par effet d’annonce ministérielle, devait être disponible sur 500 pompes françaises – était déjà accusé de causer la faim dans le monde.

C’est faire beaucoup de raccourcis que de résumer la crise de l’année dernière ainsi, mais ce n’est pas non plus trahir les faits. Sans trop se pencher sur le problème complexe de l’après pétrole, j’avoue avoir déjà pris le temps de réfléchir à la question. Et même si je ne vous fait pas de longs discours sur cette crise en puissance, j’espère faire assez de clins d’œil pour ne pas la laisser se faire oublier. Or, lorsqu’on me dit de ne pas avoir peur parce qu’on a les bio-carburants pour remplacer le pétrole, j’ai peur. Compter sur une ressource qu’on exploite déjà par ailleurs pour pallier à une ressource qu’on finit d’épuiser ça revient pour moi à déshabiller Pierre pour habiller Paul (et encore ici on a fait mourir Pierre avant de contaminer Paul par lesdits vêtements).

En mon sens il n’y aura « d’après pétrole » fiable qu’en conjuguant une réduction de la demande énergétique et l’utilisation conjointe d’un bouquet d’énergies alternatives. Mais encore une fois, au risque de paraitre pessimiste, je suis persuadée que ces sources alternatives ne suffiront pas et qu’il faudra avant tout revoir les besoins énergétiques.

Dernièrement, j’ai été invitée à une réunion d’information organisée par Proléa (filière française des huiles et protéines végétale) qui souhaitait communiquer sur la question des bio-carburants. Ayant déjà mes idées sur la question de l’impact des agro-carburants sur l’économie,  j’y allais le mors aux dents pour déconstruire leurs démonstrations quant à l’innocuité du bio-éthanol. Manque de pot, Proléa fournit du Diester©, un autre bio-carburant qui ne me semble pas aussi ambivalent que le bio-éthanol.

En effet, le Diester n’est pas un carburant de substitution au pétrole, c’est un additif qui est utilisé conjointement au diesel pour économiser cette ressource, mais aussi réduire ses émissions polluantes. Ce n’est donc pas une ressource d’avenir à long terme mais un bio-carburant mature qui permet de fournir une réponse actuelle à des problématiques économiques et écologiques. Qui plus est, le diester n’est pas une ressource qu’on cherche à produire pour elle même, mais un sous-produit déjà existant, dû à la production d’alimentation animale.

J’avoue que pour la peine je ne connaissais pas si bien le sujet. Le diester est avant tout destiné aux professionels ayant leur propre cuve de pétrole, il peuvent ainsi profiter d’un mélange 30% diester / 70% diesel ce qui leur offre un rendement un poil plus avantageux au kilométrage, un prix plus stable que le diesel normal et surtout une bien meilleur image quant à leur impacte écologique. Mais pour les particuliers que nous sommes, l’implication du diester dans notre consommation est bien moins tangible, et pourtant vous en utilisez sans que vous le sachiez. En France le diesel est déjà additionné jusqu’à hauteur de 7% de diester, seuil légal actuel.  Sachant que le parc automobile est constitué majoritairement de véhicules diesel vous avez de forte chance de rouler deja avec cet additif. De plus, plusieurs municipalités ont fait le choix d’une alimentation diesel avec 30% de diester (les fameux bus « je roule au colza ») ce qui rajoute des probabilités pour que chacun d’entre vous roule déjà avec ce biocarburant sans que vous le sachiez.

Mais qu’en est il vraiment de son implication sur l’écologie ? Niveau normes de pollution etc je vous renvoie sur le site de diester pour les tableaux techniques des test labo. En gros l’idée est que jusqu’à 30% d’ajout dans le diesel, ça réduit notablement l’émission de gaz à effet de serre, d’où le choix de ce chiffre pour les collectivités. Mais niveau éco-sphère on avait aussi quelques questions. Rappelez vous l’année dernière on a beaucoup reproché aux bio-carburants de voler des terres à l’agriculture nourricière, et aussi d’encourager la spéculation sur le prix des matières végétales.

A vrai dire, l’idée de produire un bio-carburant à base de colza en France vient d’un problème économique à la base : les agriculteurs se retrouvaient avec un large surplus de production d’huile de colza dû à la production de tourteaux pour l’alimentation animale. Ils ont donc cherché un débouché pour cette huile, et ont eu l’idée de l’utiliser pour faire rouler des voitures, rejoignant l’écologique ici. L’huile pure n’étant compatible qu’avec très peu de moteurs, et son utilisation requérant des connaissances que tout le monde n’a pas, ils se sont vite tournés vers des solutions plus accessibles à monsieur tout le monde.Quand l’agriculteur vend ses tonne de colza et/ou de tournesol on va en extraire : des tourteaux pour l’alimentation animale, de l’huile alimentaire, de l ‘huile pour le diester et de la glycérine pour l’utilisation chimique. Tout ceci est mieux expliqué par leur animation de présentation. On n’était donc à l’origine pas dans une logique de production pour un nouveau produit, mais d’utilisation de surplus et de sous-produits.

De plus, le colza est considéré comme une culture de jachère, son utilisation permet donc aux terres de se reposer et de produire plus les années suivantes. Ces terres sont donc la plupart du temps des terres qui n’auraient pas pu servir à l’agriculture nourricière (je rappelle que l’Union Européenne impose un pourcentage de terres en jachère d’au moins 15% chaque année par exploitant), il n’y a donc peu de risques de « vol de terre ». La culture d’oléagineux représente souvent entre 15% et 30% des cultures. Ici on nous a assuré que la matière première utilisée par Proléa est produite en France. La gestion des terres agricoles étant bien encadrée par l’État, et la PAC étant ce qu’elle est, on s’attend à ce que ça ne soit pas viable économiquement de produire plus d’oléagineux que d’alimentaire.

Une autre raison pour laquelle ce reproche est consideré par proléa comme injustifié est le mode d’achat de ces oléagineux : le contrat d’achat est passé et le prix fixé au moment où l’on séme les graines. Ce système évite le jeu malsain de la spéculation sur les cours de la bourse qui sont également responsables des dérives du cours de la nourriture l’année dernière.

Au final je suis assez satisfaite de cette réunion : j’y ai découvert de nouveaux aspects et quelque peu rabibochée avec une partie des bio-carburants (même si j’en veux toujours à ceux produits à base de maïs ou de blé qui n’ont pas encore prouvé leur innocence dans les famines au Mexique), et j’ai croisé des gens sympathiques, ouverts, qui parlaient sans langue de bois en admettant humblement que leur produit ne permettraient pas de pallier à la fin du pétrole. Les propriétaires de la marque Diester étant d’ailleurs les paysans mutualisés ils admettre juste chercher une solution parmi d’autres à des problématiques économiques et écologiques actuelles tout en ayant conscience que leur but premier est de nourrire avant de sur-produire. C’est finalement ce qui m’a le plus plu je crois : qu’ils ne revendiquent pas avoir trouvé la solution miracle, et ne cherchent pas à se développer au delà du raisonnable ; ils ont d’ores et déjà fixé les limites qu’ils pouvaient raisonnablement atteindre. On rejoint donc l’opinion que j’avais au début : la solution à la crise d’une pétrol n’est pas unique, et il faut chercher plus loin que ces fameux bio-carburant qui sont « au mieux » un palliatif mature pour economiser la ressource pétroliere (diester) et au pire à « depanner » mais dans un cadre legale de production pour ne pas entrer en concurance avec l’agri-culture nourriciere (ethanol).

Ceci est un article sponsorisé, mais ça ne pèse absolument pas sur mon jugement. A vous de me donner votre propre avis: le débat est ouvert.