Chez moi, j’ai la chance d’avoir plusieurs jours de marché. A vrai dire je peux même faire le marché 5 jours sur 7 mais le mercredi est le jour dédié aux « Vieux Papiers » ; un marché où ne s’échangent que des livres anciens, de la bédé, des cartes postales et quelques autre objets défraichis.

En général j’y croise surtout du retraité et du bouquiniste en goguette. C’est drôle car ce marché me donne l’impression d’être dans une bulle immobile (et poussiéreuse ?) au milieu de l’agitation constante de la vie parisienne. Du coup j’y passe souvent, sans réelle motivation d’achat mais plutôt pour le plaisir d’y fouiner et de m’occuper.

Parmi les vieux bouquins, mes thèmes préférés sont les manuels de cuisine et les « guides » en tout genre. Le Vademecum de la ménagère étant sans aucun doute l’un de mes titres préférés. L’autre semaine, en fouillant ainsi  dans les guides et usages, je suis tombée sur un titre complètement anachronique et… rudement intéressant : « le guide du nouveau savoir vivre« .

Appâtée je fus, et après avoir feuilleté quelques page j’ai payé 2€ pour ramener ce vieux bouquin à la maison. Et depuis, c’est l’extase ! Derrière ce titre un peu pompeux se cache un manuel de politesse écrit au tout début des années 70 avec pour vocation de ré-insuffler des « manières » aux modernes qui souhaitent conserver des valeurs de tact et de savoir vivre.

J’adooore le coté complètement désuet (et pourtant non dénué de bon sens) de ces leçons de vie.

L’art de la rédaction d’une lettre, d’une correspondance professionnelle, d’une carte de visite, etc… Tout ça est passé de mode et pourtant c’est si rétro et plein de poésie ! D’ailleurs l’auteur a parfois un ton un sens de l’humour lui aussi passé de mode mais pourtant non dénué de saveur.

Petits extrait pour le plaisir des yeux :

Le tact c’est la surdité, la cécité, l’amnésie volontaire. Corolaire : c’est avoir du tact, avec quelqu’un qui n’a pas de tact, que de n’en montrer aucun.

Le mauvais gout n’est gênant (mais alors il l’est terriblement) que dans les plaisanteries, les allusions, la discussion. Il se définit alors, par antithèse en quelque sorte, comme l’art de joindre l’inutile au désagréable.

Constat de l’usage du téléphone : Lorsque deux femmes se téléphonent, la conversation comporte deux parties de longueur inégale : la première, la plus courte, qui commence par « bonjour » ; la seconde, de beaucoup plus longue, qui commence par « bon, alors au revoir ! »

Bref, ce livre est un amas de constats de mœurs, de règles de bonne conduite, de conseils en usage et de petit mots d’humour surprenants.

Il y a aussi tout un chapitre sur l’art de se faire des relations intéressantes. Une partie  assez surprenante, mais dont les détails sont rudement intéressant. Notamment dans les conseils sur la rédaction d’une lettre de condoléances, l’auteur énonce une évidence qui n’a pas manqué de me faire hurler de rire :

«  Mais ce n’est là que la technique, indiquée pour servir de cadre. A l’intérieur de ce cadre, laissez libre cours à votre spontanéité, à votre naturel, même avec quelques maladresses. Soignez surtout le deuxième élément, auquel, nécessairement, vous donnez un tour personnel : l’évocation de quelque trait éloquent, l’énumération exhaustive des qualités du défunt, le tout saupoudré de ce qu’il faut d’outrance en de pareilles circonstance ; et avec cela, on se fait, sur la mémoire du mort, des amis pour la vie.«